2017

MOTS OBLIGATOIRES : avatar, canular, émoticône, favori, fureteur, , héberger, nomade, nuage, pirate, télésnober

Brèves tranches de vie

 

 

 

L’irascible

 

Tu peux tempêter : « Ah ! L’ bâtard »…

 

Oui ! J’ai encore changé d’avatar.

 

 

 

A mon député

 

Ce n’est pas un canular,

 

Tu joues trop le cumulard !

 

 

 

Twitt à la fête foraine

 

L’enfant s’exclame : « Monsieur ! Et mon ti cône ? »

 

Le glacier, lui, joue aux émoticônes.

 

 

 

Etalage de culture

 

« J’affirme que : fa  est slave », dit le savant néanmoins humoriste, «  et je le prouve :

 

Favori

 

Rivoli

 

Livonie

 

Niveau d’eau

 

Do c’est ut

 

Ut est russe. CQFD »

 

 

 

A la foire aux greniers

 

« Autrefois je fus rhéteur »,

 

Fanfaronne le fureteur.

 

 

 

Le nouveau Fabre d’Eglantine

 

Rentre tes moutons ! Eh berger !

 

C’est à toi de les héberger.

 

 

 

A propos de targui

 

Il vit à la dure le nomade !

 

Il peut se passer de ta pommade.

 

 

 

Que des SMS mais …

 

Là-haut s’arrêtent les messages,

 

Quand tu joues, Django, ton « Nuages ».

 

 

 

Arobase ? @

 

Cela devient le pire « at »

 

S’il ouvre la voie aux pirates !

 

 

 

C’est Boris qui l’aurait dit

 

Je télésnobe, je télésnobe,

 

C’est le seul défaut que je gobe.

 

2016

MOTS OBLIGATOIRES : chafouin, champagné, dépanneur, dracher, fada, lumerotte, poudrerie, ristrette, tap-tap, vigousse

 

Il ne faut pas se fier aux apparences

 

 

 

« Sa ka maché ! »

 

C’étaient les seuls mots qu’il avait consenti à apprendre de notre langue et cet entêtement , entre autre, lui avait valu, au sens propre, un placard mais du modèle T2 néanmoins. Il y avait de la place pour un bureau recouvert d’un cuir vieillot éclairé par une lumerotte aussi falote que le personnage.

 

Monsieur s’était pris pour un champagné en arrivant chez nous mais petit à petit ses soutiens l’avaient - disait-on- lâché. Pourtant il n’avait pas l’air fada ce « zoreille »… avec son visage chafouin… Bizarre … Pourquoi était-il ici ? Il avait peut-être été las de ces journées là-bas où il n’en finit pas de dracher même si quelques poudreries égayent un peu le paysage du côté de Noël. C’est du moins ce que l’on peut voir sur les cartes postales qui arrivent jusqu’ici.

 

Bref il était là, pas très vigousse quand même : c’est normal l’âge de la retraite avait encore reculé. Mais je devais impérativement passer par lui pour récupérer la licence de mon tap-tap.

 

La gourmandise était heureusement un de ses défauts officiels : on savait que c’était le genre à courir les dépanneurs à une heure très tardive rien que pour se procurer force de nougats, bonbons, caramels ou chocolats.

 

J’avais choisi mon heure : celle de son ristrette qu’il faisait venir à grands frais de « lotbo » - -enfin c’est ce qu’on raconte-. Mon idée était risquée car le dérangeait à une heure sacrée pouvait s’avérer fatal.

 

Malgré tout, je sortis ma botte secrète : une boîte de chocolats suisses -une pure merveille- qui elle, c’est sûr, m’avait coûté bonbon si je puis dire. Son visage renfrogné s’éclaira … Le reste fut une formalité.

« Man sa palé kréyol men nou tifanmi » me dit-il sans accent.

Complétement interloqué, je sortis hagard sans même un merci.

 

 

Cauchemar psychomoteur

 

J’ouvrais les yeux difficilement. Pourtant hier soir je n’avais bu que de l’eau mais je me sentis devenir complétement fada lorsque l’écran de télévision, éclairé d’une lumerotte vacillante et anorexique, renvoya l’image du replet champagné qui servait la tambouille des nouvelles depuis plus de trente ans : il disait des mots que je ne comprenais pas !

 

Il pérorait dans son costume étriqué et faisait l’intéressant : … « braquage ce matin de bonne heure chez le dépanneur Fochon où un stock important d’oeufs de caille a été dérobé. Le gang est reparti, son forfait accompli, dans un véhicule volé et retrouvé plus tard dans la banlieue… On doit aboutir, le temps est ristrette a dit le ministre des transports, dans les négociations sur l’abaissement de la hauteur des portiques d’autoroutes mais les constructeurs ne veulent pas fabriquer des voitures minorettes … et maintenant la météo »…

 

On aurait dit Louis de Funès dans « Ni vu, ni connu » mais en moins drôle. Visage chafouin, voix chevrotante comme l’écran, hybride improbable d’Albert Simon et d’ Alain Joli Pétrel, le présentateur apparut. Il avait beau s’agitait devant sa carte d’isothermes, cela ne changeait rien à la banalité du climat.

 

« En Normandie, il allait dracher toute la journée sans espoir d’amélioration … dans la région d’Annecy, il fallait s’attendre à de violentes tempêtes de poudrerie … les équipements spéciaux sont obligatoires sur les tap-tap…bla-bla, bla-bla»…

 

            Je me réveillais tout vigousse : tout au plus ma petite gueule de bois, comme d’habitude, me taraudait-elle le front. L’écran me regardait d’un oeil sombre.

 

 

La descente

 

Mon enquête était mal engagée : je devais commencer par interroger un suspect qui avait trempé autrefois, sans qu’on puisse le prouver, dans l’ « arnaque aux bus retapés » ; des tap-tap bons pour la ferraille avaient été remis en circulation par l’entremise d’un champagné placé au bon endroit.

 

Les jours précédents il n’avait fait que dracher : heureusement le froid venu avait propulsé une jolie poudrerie qui avait facilité la filature. Ainsi avait-on localisé notre homme dans un bar louche d’un quartier, où nombre de dépanneurs vivotaient d’on ne sait pas vraiment quoi ou plutôt, si, on sait, mais c’est une autre histoire.

 

Il fallait y aller. J’enfilais un ristrette du thermos et fit à mes gars le signe : action. A l’extérieur du bar, une lumerotte mauve indiquait l’entrée ; un videur bien vigousse des muscles mais plutôt fada des méninges malgré son air chafouin barrait la porte à œilleton. Des gars rafistolés autrement que Geoffroy de Peyrac, j’en ai vus, mais lui les surpassait en centimètres de suture !

 

Le quartier bouclé, nous entrâmes facilement ; finalement Musclor s’était dégonflé malgré son goût pour la castagne. Frustré sur toute la ligne, je vous dit : notre suspect, comme vous et moi, s’était fait une opportune crise cardiaque qui l’avait envoyé derechef chez Satan… enfin je présume. L’action de la justice était éteinte par un feu !

 

 

Vers à pieds

 

Vu de près, dans Zorro, le dit « babouin »

 

A finalement les traits du chafouin.

 

 

 

Pour réussir, sors donc accompagnée

 

De quelqu’un en vue, bref d’un champagné !

 

 

 

Il y aura toujours des chicaneurs

 

Pour embêter le petit dépanneur.

 

 

 

Quand le ciel n’arrête pas de cracher,

 

Pleuvoir ne suffit plus : on dit dracher.

 

 

 

On m’a trouvé complétement fada,

 

Quand j’ai posé à l’envers mon bada !

 

 

 

Viens donc mignonne avec ta lumerotte

 

Dénicher avec moi quelques pleurotes.

 

 

 

Sur ton minois, point de poudre de riz

 

Qui partira à la moindre poudrerie !

 

 

 

Quelles sont tes rêveries, toi la distraite

 

Qui tourne sans joie ton fumant ristrette ?

 

 

 

Dans le dernier rush, fuma le tap-tap :

 

Le metteur en scène coupa d’un clap.

 

 

 

Sortant de l’hiver, la nature pousse :

 

Le moindre bourgeon se sent tout vigousse.

 

2015

MOTS OBLIGATOIRES : amalgame, bravo, cibler, grigri, inuit, kermesse, kitch, sérendipité, wiki, zénitude

 

Jeux de mots laids pour tronches de vie

 

Bien sûr, vos ailes de gros nez graissent

 

Confie l’esthéticienne. C’est rien

 

Mettez donc un joli carmin

 

Vous serez clown à la kermesse.

 

On va cibler m’assène le psy !

 

Sur son divan kitch, je souris

 

A la caméra qu’il manie :

 

C’est pour animer son wiki !

 

 

 

L’heure n’est pas aux exquis mots !

 

Tonitrue le chasseur au grigri

 

A ses compagnons inuits.

 

Qui veut de mes esquimaux ?

 

Dit l’ouvreuse. Venez ici !

 

C’est l’entracte, il est minuit.

 

 

 

Bravo ! Reprenez vos gammes

 

Bon sang, dit le musicien

 

A ses élèves dépités ;

 

Ne faisons pas d’amalgame

 

Déclame le politicien

 

Devant ses rangs députés.

 

 

 

Ô dieu de la sérendipité

 

Dans mon labo, je peine. Ici Line ;

 

Fais de moi une petite Flemming.

 

J’ai perdu toutes mes certitudes

 

Redonne-moi ma zénitude.

 

 

La dernière séance

 

Comme tous les mardis depuis très longtemps, j’entrais dans le cabinet du neuropsyphoniâtre. « Bonjour, Monsieur… » commençai-je. Les syllabes suivantes s’agglutinèrent en un piteux amalgame qui joua au yoyo entre ma glotte et ma langue, mais aucun son intelligible ne put sortir. « Bravo, vous faites des progrès, Madame Algernon » me dit-il d’un sourire encourageant que démentaient ses yeux froids.

 

La partie « civile » du cabinet était kitch, chaleureuse, plutôt sympathique. Le divan sur lequel je m’installai, faisait partie d’une structure froide et métallique, reliée à des écrans de toutes sortes. Il plaça les palpeurs sur mon crâne rasé, ouvrit la trappe de ma boîte crânienne et planta avec dextérité l’électrode dans mon cerveau. Indolore ! Aussitôt, l’écran géant s’illumina de couleurs variées. Tout l’art de ce spécialiste consistait à voir le cheminement de la Pensée au milieu de ces formes et de ces couleurs bigarrées.

 

« Aujourd’hui, nous allons cibler sur les lettres K, W, Q » me souffla-t-il. L’écran fut rayé de zébrures rouges, tandis que mon cœur battait. J’eus chaud. Mon front s’embua et mes mains devinrent humides. Il énonça les mots qui se traduisirent par autant de décharges sur l’écran : ketch, sketch, quizz, squeezer, kermesse, esquimau, wiki.

 

J’arrivais à me concentrer, à contrôler et à énoncer presque correctement les premiers mots qui ne m’évoquaient rien. A kermesse, les syllabes se mirent à danser dans ma tête. Ker, messe , messe, ker, Mesquer… Aussitôt l’écran laissa apparaître nettement une plage l’été. J’avais une dizaine d’années et je jouais avec le petit L. Il bégayait atrocement mais il dut estimer que j’étais plus atteinte que lui, car il me donna son grigri, qui disait-il, devait me permettre de parler comme tout le monde. Il guérit sans doute car il devint, plus tard, un présentateur de télévision.

 

La plage s’estompa. Le mot suivant, esquimau, était tombé en désuétude mais inuit ne devait offrir assez de difficulté !

 

Je m’énervais. On approchait de la fin. J’avais oublié de prendre mon calmant. « Poursuivez » trancha-t-il. Je relus le mot : wiki ! Qu’avait-on encore inventé ? Oui, kiwi je connaissais et c’est d’ailleurs ce que je dis avec bien du mal « NON, reprenez » dit-il impitoyable. Je crois que finalement c’est son ton sec qui déclencha en moi une série de soubresauts et des bouffées de chaleur.

 

Sur l’écran apparut une table de dissection avec un corps lardé de trous sanglants. Il avait très distinctement son visage. Ses lèvres pâlirent ; précipitamment il se dirigea vers moi, ôta maladroitement les palpeurs. En tremblant, il approcha sa main de l’électrode pour l’enlever. Normalement, dit-on le cerveau ne ressent pas de douleur. Ce fut atroce. « Adieu, Monsieur Kraskolewski ». Il blêmit encore plus, écarquilla les yeux. ‘Co-co-comment est-ce po-po-possi..ble ?», bégaya-t-il, dans un souffle moribond. « Sérendipité », répondis-je pleine d’assurance. « Au fond, vous n’avez jamais cru à ma guérison !», lui assénai-je. Vaguement pris de pitié après l’avoir mentalement poignardé, je laissai le grigri sur son bureau en guise de paiement : il allait en avoir besoin ! Flageolant, il me tendit le tube de biocolle qui devait me permettre de refermer définitivement la trappe de mon crâne. Remplie de confiance et de zénitude, je franchis allégrement le seuil de son cabinet d’un cœur léger.